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Eric de Bettignies cité dans les Echos sur les six stratégies à éviter

By 15 janvier 2015 No Comments

Eric de Bettignies cité dans les Echos sur les six stratégies à éviter

15 janvier 2015 | Les Echos

S’il est difficile de distinguer les bonnes stratégies, les mauvaises se repèrent plus aisément. En voici six marquantes.

Exclusivement chiffrée

Une stratégie qui ne s’exprime qu’en chiffres, «avec un objectif en termes de croissance, de chiffre d’affaires ou de résultats», alerte d’emblée Edouard Blanchard, président d’OSE Consulting. « Vouloir croître en réalisant par exemple des acquisitions à prix d’or, sans se soucier de rentabilité, c’est à coup sûr une mauvaise stratégie. La difficulté, c’est de réussir à combiner croissance et rentabilité », approuve Nicolas Kachaner, associé du BCG. Arc International, qui devrait éviter la faillite, a par exemple pâti d’une politique d’acquisitions hasardeuses. « A contrario, se soucier exclusivement de rentabilité, en baissant les prix, ne participe guère à la création de valeur », démontre le consultant.

Désincarnée

« Une stratégie doit pouvoir s’exprimer en une minute, avec des mots simples : si l’idée force n’est pas restituable par les équipes, sa mise en oeuvre risque d’échouer », estime Edouard Blanchard, qui rappelle que celle-ci doit être incarnée par le patron et engager l’ensemble des équipes. Il y a deux ans, Siemens a ainsi renvoyé Peter Löscher en raison de ses mauvaises performances financières et « d’une stratégie peu claire »,résumée à un recentrage sur les secteurs porteurs.

Copiée-collée

Pas de salut sans positionnement low cost ou focus Big Data, pourrait-on penser à écouter les discours de dirigeants ou lire les plus prestigieuses revues de management. Mais « lorsqu’une même stratégie semble applicable à plusieurs entreprises différentes, voire concurrentes, ses chances de succès sont faibles. Pour réussir, elle doit être unique », ajoute Eric de Bettignies, associé fondateur d’Advancy. Si Carrefour et Auchan déploient la même stratégie, c’est effectivement problématique. Autre exemple : les banques qui misent toutes sur le développement des mêmes applis. « L’analyse de l’identité de la marque et de sa valeur est passée à la trappe, ce qui est un mauvais point de départ », estime Edouard Blanchard. Le secteur automobile recèle aussi des erreurs emblématiques : « Attirés par les marges réalisées par Mercedes et BMW, Peugeot et Renault ont mis dix ans à comprendre que le développement dans le haut de gamme ne convenait pas à leur marché »,appuie l’expert.

Multidirectionnelle

Innover dans plusieurs directions est également à haut risque. « Le cas de Lego est éclairant. Challengé par les jeux vidéo, le danois a investi dans les parcs à thèmes et les vêtements mais sans succès. En 2008, la stratégie du nouveau directeur général a consisté à le recentrer sur les briques, son terrain de jeu initial », explique Denis Dauchy, professeur en stratégie d’entreprise à l’Edhec. A trop se disperser, on se perd. « C’est l’erreur commise par Accor. Concentré sur son développement à l’international et le repositionnement de ses marques, le groupe a raté le virage du numérique. » Un retard que Sébastien Bazin, le PDG d’Accor, tente de rattraper à marche forcée.

Croître implique de se diversifier mais sans (trop) s’éloigner de ses savoir-faire de base. LVMH (propriétaire des « Echos »), par exemple, a su se transformer en restant fidèle à son ADN : « Le groupe a développé de nouvelles marques, comme Céline, et identifié de nouveaux leviers de croissance telle la mode homme »,précise Eric de Bettignies.

Défensive

« La seule question à se poser est : quels horizons viser à un an ? A cinq ans ? Car une stratégie doit répondre à un besoin inassouvi ou inexprimé », insiste Eric de Bettignies en songeant à Uber. « Leur système de localisation a inventé un service inexistant jusque-là, à l’instar des compagnies aériennes low cost qui se sont construites sur ce modèle de création destructrice », argumente Denis Dauchy. Les stratégies en rupture toutefois ne font pas de miracle : « Amazon a mis quinze ans à imposer son modèle et à créer des usages d’achats à partir du canapé. En 2002, cela lui a coûté 3 milliards de dollars », modère Eric de Bettignies.

Rigide

Une stratégie est censée fixer un « cap qui doit laisser la place aux ajustements », évalue Denis Dauchy. Exemple : Bata a récemment déposé le bilan après une montée en gamme. L’augmentation des prix a fait fuir les anciens clients sans convaincre les nouveaux. Or, repositionner une marque exige des moyens. Gucci en a fait l’expérience : engagée dans une mutation vers du luxe « exclusif », voulue par Kering, la marque va changer son tandem de direction dans les prochains jours car la méthode choisie pêche… La FNAC a également su se donner le temps de la remise en cause : « Alexandre Bompard est finalement parvenu à marier le commerce physique et l’e-commerce et à gommer leur concurrence », étaye Denis Dauchy. Reste que faire danser des éléphants est difficile : « Accor doit s’affranchir de sa dépendance à l’égard des sites de réservation en ligne, réagir à la montée des plates-formes de location de logements alors que l’effet de taille rend les enjeux de captation de valeur complexes », conclut le professeur en stratégie.

MARIE-SOPHIE RAMSPACHER